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François Hollande et la désincarnation

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François Hollande
François Hollande

Tu veux parler politique, cette semaine, paraît-il…

Exact Bertil, exact ! J’inaugure cette semaine mon « carnet de campagne ». Ce n’est guère glorieux : rien n’est plus critiquable que la politique et les hommes (et les femmes) qui l’incarnent. Ils l’incarnent, mais sont pourtant eux-mêmes, la plupart du temps, désincarnés. C’est-à-dire privés de leurs corps. Non au sens mystique, évidemment, puisqu’ils sont la négation même des mystiques. Mais pourtant, j’observe que les hommes politiques sont dans l’oubli du corps. Là où les mystiques oubliaient le corps par manque de confiance en lui, par peur que la chair ne les trahisse ou surtout ne leur mente, les hommes politiques oublient le leur pour une raison symétriquement opposée : ils l’oublient parce qu’ils ont trop confiance en lui. François Hollande, par exemple, dit qu’il ne s’adonne jamais à la moindre activité sportive : il part du principe que son corps lui fait crédit, il l’oublie parce que son corps est quelque chose d’accessoire, de secondaire, de subsidiaire, d’anecdotique. Mais le mystique prend le temps de se séparer de son corps, cela lui demande parfois une vie, toute la vie. Tandis que François Hollande n’a pas le temps de lui consacrer une seule minute. Le mystique est dilué dans l’éternité dans laquelle il s’agira de retrouver le corps, de reprendre corps, un corps de lumière mais un corps. Le politique n’a de corps qu’instrumental, instrumentalisé : le corps est un moyen de locomotion pour aller d’une ville à une autre, le corps est mis au service, comme un vulgaire employé ou un assistant lambda, d’une ambition ; le corps (politique) est une machine qu’il s’agit de sustenter, de remplir, pour que l’homme qui l’habite (qui s’en sert) puisse escalader les marches du pouvoir. Cet oubli du corps est un mépris par le bas : le corps est utilitaire. L’oubli du corps, chez les mystiques, est un mépris par le haut : il s’agit de dépasser son magistère, de provoquer son autorité, de hisser à son impressionnant niveau d’influence quelque chose qui n’a rien à voir avec lui : l’âme, l’esprit. Les chrétiens ont trouvé l’astuce, et c’est une astuce géniale…

Comment ça ? Quelle astuce ? Le Verbe est chair ?

Christ sur la croix par Rubens
Christ sur la croix par Rubens

L’incarnation, c’est lorsque que quelque chose ayant trait au divin forme viande, forme chair. Le mystique, par l’imitation du Christ, est certain de rester par la chair au cœur du Logos. Il n’oublie son corps que pour se fondre totalement en lui. Le Saint-Esprit n’est pas une simple invention visant à « souder » le Père et le Fils, mais une intervention digestive par laquelle ce qui est Fils et Chair parvient à l’état de Père et Verbe. Le Saint-Esprit transforme la viande en lumière. Mais son action fonctionne dans l’autre sens : de la lumière vers la carnation. L’incarnation, c’est, pour la lumière, faire son entrée dans la viande. Le mystique se situe au point d’écluse, frappé par le Saint-Esprit, en lequel sa chair de Fils atteint, par un mouvement ascendant le Verbe du Père, et où le Verbe du Père est con-descendant : il y a l’idée de descente aux chairs. Le mystique se situe au lieu de la con-ascendance et de la con-descendance. Il y a un perpétuel mouvement d’aller et retour du corps vers l’âme et de l’âme vers le corps. C’est un mouvement, déclenché par le Souffle, qui va du pondérable vers l’impondérable et de l’impondérable vers le pondérable. Le mystique revient toujours au corps, à la pondérabilité du Fils, puis s’en retourne vers l’impondérabilité du Père. Dieu ne fait pas le poids, c’est au Fils de le faire. Face aux malheurs du monde, de l’Histoire, le Père ne fait pas le poids. Il n’est pas là pour ça. Le poids, c’est le poids de l’Histoire, c’est le poids du corps, c’est le poids du Fils. Vouloir se débarrasser de son corps, pour un mystique, reviendrait à vouloir, non tuer le Père, mais tuer le Fils – or le fils, c’est lui, c’est lui par imitation, c’est lui par com-passion. Le mystique n’étant pas suicidaire, il va prendre corps autrement. Le corps et l’âme sont appelés à se réunifier. A coïncider. Chez le politique, ils se scindent, ne s’unissent jamais plus : Hollande se désincarne en perdant des kilos, il modifie son corps parce que ce corps renvoie une mauvaise image. Un corps gros n’est pas un bon corps électoral. Sa chair n’est pas appelée à devenir Verbe, mais à dissimuler le Verbe au contraire. L’image (le pondérable) n’ira pas se fondre dans la Parole (l’impondérable) : mais elle va la recouvrir. Hollande montre une image neuve de son corps destinée à masquer le discours. Le contenant du corps occulte le contenu de l’esprit. Il n’a rien à dire, donc il montre à voir. Et ce faisant, il objectivise de nouveau son corps : il l’utilise. Il s’en dissocie : son corps n’est pas là pour le trahir, mais pour lui obéir, pour lui obéir au doigt et à l’œil.

Il y a quelque chose que je ne comprends pas… Tu dis que le mystique opère des va-et-vient corps-âme, âme-corps, Chair-Verbe, Verbe-Chair, mais en début d’entretien tu dis qu’il cherche à se débarrasser de son corps en lequel il n’aurait pas confiance… C’est un peu contradictoire.

L'ancien des jours par William Blake
L'ancien des jours par William Blake

Oui : « mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Pourquoi n’as-tu pas confiance dans le Corps? Dans le corps du Fils. Dans le Corps du Christ. Le premier mouvement est le doute. Le Verbe doute de la Chair. La foi sans le doute, cela n’a aucun sens. C’est un mouvement de balancier. L’esprit peut douter du corps, mais le corps ne peut douter de l’esprit. Le corps demande à l’esprit de ne pas l’abandonner. C’est l’épisode de la Passion. L’esprit éprouve le corps, le Père met le Fils à l’épreuve. Mais il ne l’oublie pas. Il l’abandonne, mais ne l’oublie pas. L’abandon n’est pas l’oubli. C’est même le contraire : en abandonnant, on est certain de ne plus jamais pouvoir oublier. Voyez les femmes qui abandonnent leurs enfants. Chez le politique, le corps est totalement oublié. Pas abandonné : puisqu’on s’en sert. On l’instrumentalise. L’incarnation, c’est l’épreuve de l’abandon du corps par l’esprit, de l’abandon du Fils par le Père. La désincarnation (la politique, donc), c’est l’oubli du corps par l’esprit, c’est l’oubli du Fils par le Père. Reniement de l’Enfance, de l’Enfant-Jésus, du petit enfant, pour devenir adulte, père, père de la nation. Le président de la République peut incarner à son tour (la République, l’autorité) ; mais nullement le candidat, qui est une suite de moyens mis à la disposition d’un but à atteindre, d’une ambition à assouvir. Le candidat est désincarné, il incarne la désincarnation.

Donc s’il est élu, il « incarne » ?

Oui, mais il incarne la modernité. Il incarne du présent. Il incarne le présent. Il s’incarne lui-même, puisqu’il est son propre dieu. Il est un Fils qui se prend pour le Père, il ne met plus rien au-dessus de lui alors qu’il n’a fait que se faufiler entre des obstacles politiques, où aucune transcendance n’est possible. Le politique « se fait tout seul ». Il s’auto-engendre. Il se fait naître tout seul tous les jours. Il a tué le Père, sans savoir qu’il n’en a jamais eu.

Propos recueillis par Bertil Scali le mercredi 18 janvier 2012.

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